CATHARISME ⑵

 

L'évolution.

En Italie, le développement de l'hérésie fut favorisé par l'anarchie politique. Mais, très vite, des divisions profondes se manifestèrent. Les dualistes absolus refusèrent de reconnaître Jean le Juif, et, vers 1180, fondèrent les Eglises de Toscane, avec Pierre de Florence, et de Desenzano (au sud du lac de Garde), avec Jean Bellus. Les cathares de Desenzano, ou albanenses, suivirent dans toute leur rigueur les croyances de l'ordre de Dragovitsa. Ils reconnaissaient la validité d'une partie de l'Ancien Testament (Job, Psautier, Prophètes).
Parmi eux, vers 1230, Jean de Luglio et ses partisans acceptèrent tout l'Ancien Testament, écrit « dans un autre monde ». Dirigés par 500 parfaits au milieu du XIIIe siècle, les albanenses étaient nombreux à Bergame, Crémone, Plaisance, Vérone.

Les dualistes modérés étaient restés groupés, sous la direction de Jean le Juif, dans l'Eglise de Concorezzo (au nord-est de Milan). Avec ses 1 500 ministres, elle était la plus importante; ses membres étaient désignés sous le nom de garatenses ou de concorezzenses. Un de leurs évêques, Nazaire, se rendit en Bulgarie, vers 1190, et en ramena un apocryphe, le Secretum ou Interrogatio Johannis. D'autres dualistes mitigés se rattachèrent à l'Eglise de Bagnolo (près de Mantoue) : les bagnolenses étaient nombreux à Mantoue, à Brescia et à Sirmione; on comptait dans leurs rangs 200 parfaits.

Dans le midi de la France, les querelles doctrinales ne semblent pas avoir tenu une grande place. Le catharisme se développa sans rencontrer de résistance sérieuse, aussi bien dans les villes, avec l'appui de la bourgeoisie, que dans les campagnes, avec l'aide de la noblesse. Il y eut quatre évêques, à Carcassonne, à Albi, à Toulouse, à Agen, chacun d'eux administrant un territoire défini. La croisade des albigeois (1209-1229), menée par Simon de Montfort au profit des Capétiens, désorganisa l'hérésie, mais ne la déracina pas. Les cathares reprirent leurs activités et firent de la citadelle de Montségur leur capitale jusqu'à sa chute, en 1244.
On a confondu sous le terme d'albigeois les cathares et les vaudois, qu'en réalité de violentes polémiques ont opposés les uns aux autres, car ils n'avaient rien de commun.

Dans la France du Nord, on constate l'existence d'un certain nombre de foyers dans un pays où la foule resta hostile aux novateurs. L'hérésie fut difficilement extirpée de La Charité-sur-Loire après 1233. Elle se manifesta en Champagne à Reims, Châlons-sur-Marne, Troyes, au Mont-Aimé. Plus au nord, on retrouve des cathares dans le diocèse de Soissons, puis à Arras, à Cambrai, à Douai, dans la région de Lille. Il existait un évêque de France (du Nord), mais nous ne savons rien sur lui. Dans les pays rhénans, la persistance de l'hérésie décida le pape Grégoire IX à confier la répression à l'inquisiteur Conrad de Marburg (1227). L'activité du catharisme semble avoir été très réduite par la suite.

Le déclin.

Un tableau du monde cathare vers 1250 a été dressé par l'hérétique converti Rainier Sacconi (mort v. 1262). Il signale déjà la ruine de certaines Eglises. En Champagne, 180 adeptes de l'hérésie périrent sur le bûcher du Mont-Aimé en 1239, et l'évêque de France, avant 1250, vivait en Lombardie. Dans le Midi, les Eglises furent désorganisées par la prise de Montségur et la mort de plus de 200 parfaits et parfaites (1244). L'évêque de Toulouse trouva refuge à Crémone, Plaisance, Sirmione. L'hérésie se maintint à Toulouse, sur quelques points, parmi les artisans, vers 1270-1275; dans la région de Carcassonne, vers 1290; dans celle d'Albi, vers 1300; en dernier lieu, dans la vallée de l'Ariège, au début du XIVe siècle, avec le ministre Pierre Autier. En Lombardie, le catharisme conserva une forte organisation jusque vers la fin du XIIIe siècle, mais les Eglises y furent à leur tour démantelées. Ensuite, l'hérésie vécut obscurément, et seuls quelques groupes isolés subsistèrent jusqu'à la fin du XIVe siècle.

Au premier abord, on peut s'étonner des succès du catharisme. Mais les gens du Moyen Age étaient naturellement dualistes dans l'expression de leur pensée, ils vivaient dans  la hantise du diable. Il existait une conception pessimiste du monde qui s'exprimait dans le mépris, ou contemptus mundi. De plus, les parfaits étaient d'une extrême prudence, ils n'exposaient pas toute leur doctrine devant n'importe qui. Très étendue, l'influence du catharisme est restée souvent superficielle. Ainsi s'explique pour une part son déclin rapide. Sans doute, l'Inquisition a joué un rôle destructeur. Mais la riposte de l'Eglise s'est surtout développée avec la création des ordres mendiants. Les Prêcheurs et les Mineurs ont été les rivaux heureux des parfaits.

http://clio.chez.com/