Yu ou Da Yu (Yu le Grand) est le héros des inondations dues au débordements des fleuves de la mythologie chinoise. Il est vénéré pour son goût du travail. Considéré à l'origine comme étant mi-homme mi-dragon, il fut progressivement représenté sous une apparence entièrement humaine.
Il lui fallut 13 années de dur labeur pour mettre fin aux inondations. Afin de canaliser toutes les eaux de la terre, il ouvrit des brèches à travers les montagnes et dragua les fleuves, des sources et des estuaires. Vers la fin, il avait tant de cal aux mains et aux pieds il était si fatigué qu'il pouvait à peine marcher. Malgré cela, il alla jusqu'au bout de sa mission en édifiant un système d'irrigation capable de drainer les eaux en crue vers la mer
Son titanesque ouvrage de drainage rendit la terre propice à la culture et relia les neuf provinces de Chine les unes aux autres. En reconnaissance, l'empereur en place abdiqua en sa faveur.
C'est ainsi qu'il devint le premier empereur de la dynastie des Hia, régnant de 2205 à 2197 av. notre ère.
Yu mourut au Mont Kuaiji lors d'une chasse. Un temple y fut construit en son honneur et nombre d'empereurs venait pour honorer sa mémoire.
Il a été divinisé comme Dieu gouverneur des eaux chez les taoïstes.
Selon une légende, afin de mener à bien son travail, Yu se transformait chaque jour en ours. A l'heure de son repas, Yu battait le tambour pour demander à son épouse de lui apporter sa nourriture. Un jour qu'il fendait des rochers, sa femme prit ce bruit pour le son du tambour et accourut avec la nourriture. Voyant un ours, elle prit ses jambes à son cou, alors Yu tenta de la rattraper. Enceinte, elle tomba d'épuisement et se transforma en pierre. La pierre continua cependant à grossir, et à la date prévue pour l'accouchement, Yu fendit le rocher en deux. C'est ainsi que son fils Qi vit le jour.
Héros légendaire, roi démiurge de la Chine antique. La «vie» de Dayu (Yu le Grand) fait l’objet d’une légende épique qui ne nous est parvenue que par bribes et lambeaux, l’historiographie des confucianistes ayant procédé à un certain nombre de remaniements. Les confucianistes nous ont, en effet, fourni le seul document cohérent concernant la vie de ce héros, devenu l’exemple par excellence des vertus confucéennes. Dans ce récit, rédigé par Sima Qian (~ 145-~ 86), le grand biographe de la Chine, on n’a conservé des aspects mythiques que ceux qui étaient exemplaires; Yu le Grand nous est présenté d’abord comme le ministre du roi Shun, comme l’homme qui régularisa le cours des eaux qui avaient inondé le monde. Parfait ministre, lui seul eut la vertu nécessaire pour succéder à Shun; il fonda la première dynastie royale. Le seul fait «historique» mentionné par cette biographie est une tournée d’inspection des fiefs qui amena Yu le Grand à parcourir l’ensemble du monde civilisé; cette inspection se termina par une assemblée des seigneurs féodaux sur la montagne sacrée du Guiji. L’un des feudataires se permit d’arriver en retard; Yu le punit en le sacrifiant sur l’autel du dieu du sol, protecteur de la nouvelle dynastie. Cette immolation consacra définitivement la vertu de la dynastie des Xia, fondée par Yu.
Le sinologue français Marcel Granet (1884-1940) a eu le mérite de retrouver, au-delà de l’historiographie officielle, les mythes — danses et légendes — de l’épopée de Yu. Il utilisa à cette fin tous les passages, chants, dictons, allusions littéraires et fragments de légendes dont sa vaste érudition lui permit de rassembler les éléments épars dans toute la littérature classique de la Chine.
Cette épopée est tout d’abord le récit de l’aménagement du monde et de l’avènement d’une ère nouvelle. Yu commença par expulser les vertus périmées. Dans les travaux d’aménagement des eaux, il succéda à son père, qui avait labouré pendant neuf ans sans pouvoir aboutir; l’infortuné ingénieur fut banni puis dépecé; ce sacrifice permit d’instaurer un nouvel ordre dans l’espace. Puis Yu combattit les tribus barbares des Sanmiao, dont les mœurs étaient incompatibles avec le calendrier; leur soumission permit d’instituer un nouvel ordre du temps. Afin de combattre les eaux, Yu conclut une alliance avec le dieu du Fleuve (le fleuve Jaune, Huanghe, dont les eaux débordaient), il lui céda la moitié de son corps, en gage de sa personne entière. Yu, comme d’autres souverains divins de la Chine antique, émacié comme les sorcières possédées d’un dieu, était donc aussi hémiplégique. Ayant dirigé le fleuve et fait écouler les eaux vers la mer, et ainsi établi l’ordre féodal dans l’univers, il réaménagea le monde en le parcourant en tous sens jusqu’aux extrémités; ce fut un parcours dansé: Yu sautillait en traînant une jambe; c’est là le pas de Yu, danse magique que les sorciers (prêtres taoïstes) de la Chine ancienne ont continué à pratiquer longtemps. Par cette danse, Yu ordonna le monde. Il le stabilisa par cinq montagnes sacrées, à chacun des points cardinaux (les quatre orients et le centre). Ayant mesuré l’espace, il en fit une carte qu’il reproduisit sur neuf chaudrons de bronze, joyaux talismaniques de sa dynastie, prestigieux gages d’investiture que des souverains historiques, notamment Qin Shi Huangdi, ont cherché à retrouver.
Par ailleurs, la «carte de Yu» a fait l’objet de nombreuses spéculations. La plus célèbre d’entre elles est le Tableau du fleuve (Hedu ), sorte de diagramme emblématique qui représente le monde par un carré magique. Le Hedu résume à lui seul un très grand nombre de conceptions de base de la cosmologie chinoise. Nombreuses sont les spéculations qui s’inspirent de ce diagramme, tant les spéculations philosophiques que celles qui ont pour objet les nombres. Elles ont été poursuivies durant toute l’histoire de la Chine.
(sources Universalis)