C'est seulement à partir du moment où Thèbes fut promue capitale du pays que son dieu local, Amon, devint dieu de l'empire. Thèbes, ayant pris du retard par rapport aux autres centres, eut des difficultés à rendre plausibles ses prétentions à avoir créé le monde la première. La théorie d'Amon comme dieu originel qui a tout créé est par conséquent un conglomérat de motifs plus anciens et d'origines diverses. Ainsi, Amon est né de lui-même tout comme Atoum. Sa première forme d'apparition était l'Ogdoade d'Hermopolis, puis Tatenen, le tertre primordial de Memphis, et enfin il s'est rendu au ciel en tant que Rê. Il a créé les dieux et les hommes et il a organisé le monde. Sur la colline primordiale, il a fondé la première ville, Thèbes, qui servit de modèle à toutes les autres villes.
Ce mélange peu original de traditions plus anciennes témoigne des prétentions rigoureuses du clergé d'Amon, le dieu de la capitale. Pour disposer d'une prééminence absolue, Amon devait être non seulement le dieu suprême, mais aussi le plus ancien. Avec une avidité syncrétiste sans pareille, le clergé d'Amon revendiqua résolument la création et toutes les légendes qui la concernaient.
Bien que les exposés sur l'origine du monde, chacun mis à part, semblent très différents, ils se basent tous sur une même connaissance fondamentale : l'événement central de la création est la différenciation. Le créateur surmonte l'unicité du non-être, qui ne connaît « pas deux choses », en se « multipliant en millions ».
Au-delà des frontières de l'univers de l'être, le non-être subsiste. Il entoure le cosmos sous la forme d'un ouroboros, le serpent qui se mord la queue. Dans cette obscurité de l'état primordial est précipité le pécheur. C'est là que les ennemis des dieux doivent être mis en exil, et à la fin des jours c'est là que le monde retournera.
L'expression la plus visible du chaos est le paysage non cultivé et hostile à la vie des montagnes du désert en dehors de l'oasis du Nil. La géométrie pure des pyramides se découpant nettement du plateau rocheux de Giza, de même que l'ordonnance du temple funéraire d'Hatshepsout qui sort comme un cristal de la montagne thébaine déchiquetée, semblent illustrer le processus de la création.