Cligès ou la fausse morte est un poème de Chrétien de Troyes, écrit vers 1176 et composé d'environ 7000 octosyllabes à rimes embrassées.
Toute la première partie du poème, environ un tiers, raconte les aventures d'Alexandre, fils de l'empereur de Constantinople, chevalier de la cour du roi Arthur, et son mariage avec Soredamor, sœur de Gauvain. De ce mariage, ils eurent un fils : Cligès.
Alexandre étant cru mort, son frère Alexis est élu pendant son absence, empereur de Constantinople. Voici qu'Alexandre reparaît, mais il accepte aussitôt de s'effacer, à condition qu'Alexis ne se marie pas et laisse à Cligès la succession du trône. Alexis viole pourtant cette promesse et épouse la belle et sage fille de l'Empereur d'Allemagne, Fénice.
Cependant Cligès et Fénice s'aiment sans se l'être avoué. Fénice confie alors ses sentiments à sa fidèle nourrice Thessala : comment faire pour ne point trahir son mari. La nourrice grâce à un philtre évite que le mariage avec Alexis soit consommé. Fénice ne voulant pas que l'on dise d'elle ce que l'on dit d'Yseult la Blonde, Cligès accepte de s'éloigner pour se rendre à la cour du roi Arthur, mais son amour pour Fénice le ramène inexorablement à Constantinople.
Après maintes supplications, Fénice finit par accepter de s'enfuir avec celui qu'elle aime ; elle se décide à ourdir un stratagème : s'étant fait passer pour morte grâce à un philtre de Thessala, elle fuit avec Cligès et dans une cachette, passe en sa compagnie des jours heureux. Découverts, ils sont obligés de se réfugier auprès du roi Arthur tandis qu'Alexis meurt de colère et de douleur. Cligès est rappelé à Constantinople, où il est couronné et où il peut épouser Fénice.
Cligès ne vaut pas Érec et Énide, mais en son temps il fut cité, loué et imité, par exemple dans le Clies allemand, probablement d’Ulrich de Turheim (XIIIe s.). Il y a un parallélisme entre l'histoire de Cligès et Fénice et celle de Tristan et Yseult : que ce soit dans le plan général de la fable ou dans beaucoup de détails, comme par exemple dans l'épisode du philtre.
Mais tandis que le drame de Tristan et Yseult n'admet qu'une solution : la mort, ici l'aboutissement en est le mariage, auquel on arrive à travers la description de toutes les phases de l'amour : depuis sa naissance jusqu'à son affirmation la plus éclatante. Cligès est un Tristan atténué ; Fénice, en reproduisant le personnage d'Yseult, le raidit grâce à des subtilités psychologiques qui rappellent les conventions des cours d'amour : sa situation par rapport à son mari et à son amant, pour artificieuse et élégante qu'elle soit, n'en est pas plus morale. Chrétien de Troyes veut soutenir la thèse galante, selon laquelle on ne doit partager ni son cœur, ni son corps, qu'ils soient accordés à l'amant ou au mari. Il fait dire à Fénice : "Qui a le coeur, qu'il ait le corps !"
Ce poème se distingue des autres œuvres de Chrétien de Troyes par l'atmosphère dans laquelle il se déroule : on peut y reconnaître des éléments celtiques et orientaux, bretons et byzantins ; ce fut d'ailleurs une des raisons principales de son succès.