DECAMERON ⑴
Decameron
Décaméron (1916) par John William WATERHOUSE, © Art Gallery Liverpool

Titre que le poète, littérateur et humaniste Jean Boccace (1313-1375) donna à son chef-d’œuvre écrit en florentin, selon toute probabilité entre 1349 et 1353. Source d'inspiration pour les artistes, « le Décaméron » fut illustré par Boccace lui-même. L'incipit  du volume (qui, selon certains, serait de Boccace lui-même) explique le titre, la forme et le contenu de l'œuvre : « Ici commence le livre appelé Décaméron, dans lequel sont rassemblées cent nouvelles racontées en dix jours, par sept femmes et trois jouvençaux ». Le Décaméron est donc divisé en dix  Journées  et les différents récits, tout en étant complètement autonomes par le caractère et l'argument, apparaissent rigoureusement ordonnés dans un  cadre  prestigieux, heureusement conçu. Le livre s'ouvre par une espèce de prologue dans lequel l'auteur tient à justifier le caractère spécialement narratif et essentiellement sentimental de son œuvre, consacrée à l'adoucissement des peines des amants malheureux et, particulièrement, des femmes. Suit l'introduction à la  Première Journée .

Journée une.

La reine du jour, Pampinéa, n'impose aucun sujet de discussion : on y parle  de «ce qui plaît le plus à chacun», et les arguments du temps (la satire des mauvais religieux, le goût des discours piquants, des répliques originales) fournissent les thèmes de chacun de ces contes.

Décaméron I, 4, Bibliothèque de l'Arsenal (23r)
(1) Entre tous, se détache l'aventure du sieur Ciappelletto, escroc et criminel patenté qui, surpris par la mort en terre étrangère, ne se laisse pas impressionner par l'événement. Il rassure ses hôtes qui craignent le scandale de son impiété, puis  par une fausse confession, trompe un saint moine, et se meurt quoique mauvais homme de son vivant, il est une fois mort, considéré comme un saint et appelé saint Ciappelletto. L'art de Boccace rehausse puissamment cette sombre figure et éclaire d'un mystérieux sourire sa triste aventure.
(2) L'histoire du juif Abraham, riche et vertueux marchand parisien qui, pressé par un ami de se faire chrétien, trouve une raison décisive de se convertir dans la vie dissolue de la Curie romaine.
(3) Le fameux conte de Saladin et des trois anneaux : symbole des trois religions différentes que Dieu a données aux hommes, sans qu'il leur soit aisé de reconnaitre laquelle est la vraie.
(4) Un moine ayant commis un péché digne d’une très grave punition, échappe à la peine qu’il avait méritée en reprochant adroitement la même faute à son abbé.
(5) La marquise de Montferrat, au moyen d’un repas uniquement composé de poules, et avec quelques paroles gracieuses, réprime le fol amour du roi de France.
(6) Un brave homme confond par un bon mot la méchante hypocrisie des gens de religion.
(7) Bergamino, en contant une nouvelle concernant Primasso et l’abbé de Cluny, critique honnêtement un trait inaccoutumé d’avarice chez sieur Can della Scala.
(8) Guiglielmo Borsiere, avec quelques mots polis, perce à vif Ermino de Grimaldi sur son avarice.
(9) Le pusillanime roi de Chypre, piqué au vif par une dame de Gascogne, devient homme d’énergie.
(10) Maître Albert de Bologne fait honnêtement rougir une dame qui avait voulu lui faire honte de ce qu’il était amoureux d’elle.

Deuxième Journée.

Philomène propose le thème « de celui qui, tourmenté par diverses choses, arrive, au-delà de son espérance, à une conclusion heureuse ». Récits presque tous romanesques, qui ont pour scène l'Italie entière, l'Orient et diverses parties de l'Europe. Quelques uns sont remarquables en raison de leur intérêt humain par exemple : (4) celui qui a pour héros Landolfo Ruffolo courageux Amalfitain, tombé dans la misère, il devient corsaire, s'enrichit, perd à nouveau tout son avoir et réussit à, rentrer miraculeusement dans sa patrie, ramenant avec lui un coffret de diamants échappé à un naufrage.


La fiancée du roy Garbo
H. FLOURY, 1903, Paris.

Il y a aussi l'histoire de Martellino, bouffon de Cour qui, pour se moquer de la superstition des Trévisans, feint d'être paralytique et, miraculeusement guéri, s'attire de nombreux ennuis dont il se dégage à grand-peine.
Mais le chef-d’œuvre de cette Journée est, de l'avis général, (5) la fantasmagorique aventure d'Andreuccio de Pérouse, jeune marchand un peu simple qui, venu à Naples pour acheter des chevaux, connaît, en l'espace d'une nuit, une série bouleversante d'incidents angoissants desquels il peut heureusement se dégager.
(6) Madame Beritola, ayant perdu ses deux fils, est trouvée sur une île déserte avec deux chevreaux. Elle va en Lunigiane où l’un de ses fils, entré au service de son seigneur, est surpris avec la fille de celui-ci et mis en prison. Reconnu par sa mère, il épouse la fille du seigneur et son frère ayant été retrouvé, ils reviennent tous eu leur premier état.
(7) Alatiel, fille du sultan de Babylone est envoyée comme épouse au roi de Garbo. Après divers accidents survenus en l'espace de quatre ans, en divers  lieux, aux mains de neuf hommes, elle est enfin ramenée à son père, toujours pucelle, et repart, comme au début de ses aventures, vers le roi de Garbo, pour devenir sa femme.
(8) Le comte d’Angers, faussement accusé, s’enfuît en exil et laisse ses deux enfants en Angleterre. Revenu incognito, il les trouve en bonne situation, va comme palefrenier à l’armée du roi de France, et reconnu innocent, est rétabli dans son premier état.
(9) Bernabo de Gènes, induit en erreur, perd son argent et ordonne de tuer sa femme innocente. Celle-ci se sauve et entre, sous des habits d’homme, au service du Sultan. Elle retrouve celui qui a trompé son mari, le fait punir, et ayant repris ses habits de femme, elle revient avec son mari à Gènes.
(10) Paganino de Monaco enlève la femme de messer Rieciardo da Chinzica, lequel, ayant appris où elle se cache, va la redemander à Paganino. Mais elle ne veut pas retourner avec lui, et messer Rieciardo étant mort, elle devient la femme de Paganino.

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