Le terme de « sabbat », assimilé tardivement et abusivement au jour de repos des juifs, viendrait en réalité d'un nom d'une secte hérétique condamnée par l'Eglise au XIIe siècle. L'origine du terme sabbat reste néanmoins incertaine.
Le sabbat est une assemblée nocturne de sorciers et de sorcières, venus par les airs sur leurs balais ou sur un bouc un samedi soir (parfois un mercredi ou un vendredi), tenue en présence du Diable qui a l'aspect de Léonard, du Grand Bouc noir, du Grand Nègre, qui est tricornu et a huit pieds de haut. Parfois une «Reine du Sabbat » et une sorcière l'entourent. En cas d'urgence, le Diable fait apparaître un mouton dans les nuages. D'ordinaire, c'est la marque diabolique qu'ils portent qui avertit les sorciers du moment du ralliement en les démangeant à un endroit précis.
Le lieu du sabbat est sinistre à souhait. Des marécages, des marais stagnants et pestilentiels l'entourent. (On parle aussi de carrefours, de bois et même de vieilles églises.) On les appelle sièges des sorciers en Charente ; champs stériles dans l'Allier et plus fréquemment : ronds des sorciers, prés des sorciers ou ronds du Diable. Aucune bête n'y paîtra désormais car la cérémonie qui va se dérouler laisse un sol brûlé où l'herbe ne pousse plus.
Une ombre énorme se profile dans le ciel : le Grand Nègre, le Bouc Noir et Cornu s'avance (certains ont affirmé qu'il sortait d'une cruche) et le sol gémit sous ses pieds fourchus. Plus rarement, il se métamorphose en boeuf, en oiseau noir, en homme rouge, en arbre sans pied, à face ténébreuse. Bouc effrayant, il éclairera bientôt l'assemblée de sa corne allumée. On ne pourrait le contempler sans trembler. Une couronne noire domine ses cheveux hérissés ; son visage est hagard ; ses yeux enflammés et vicieux. Une voix monotone et ténébreuse secoue à chacun de ses mots sa barbe caprine ; ses mains humaines ont tous les doigts égaux et recourbés en serres d'oiseau de proie ; ses pieds s'évasent en pattes d'oie ; sa queue, aussi longue que celle d'un âne, recouvre des fesses en forme de visage que viendront baiser ses zélateurs et ses dévots. C'est de sabbat qu'il s'agit, non du petit sabbat où -le diable Léonard ne daigne pas se déplacer, mais du grand sabbat où il préside, assisté par son lieutenant, Maître Jean Mullin, dit « le petit diable », où les sorcières du monde entier se réunissent.
Les participants, après avoir dormi jusqu'à 22 ou 23 heures, sortent par la cheminée en hurlant plusieurs fois « Emen-Hetan » (cela signifie : ici et là, assure De Lancre), avant d'enfourcher soit le bouc (rituel en Italie), soit le manche à balai « enduit de graisse d'enfant » (utilisé en France), soit un démon subalterne transformé en bouc, âne ou cheval ou quelque crâne d'équidé. Rarissimes sont les dispenses à ces préliminaires.
Normalement, la sorcière doit dérober un enfant et l'apporter au sabbat, car le Diable a besoin de disciples. Dès son arrivée, cet enfant reçoit de Léonard et de son acolyte, Jean Muffin, un parrain et une marraine qui « le débaptisent » en lui faisant renier Dieu, la Vierge et les saints. Léonard le marque alors d'une de ses cornes au coin de l'oeil, gauche. L'enfant portera cette marque durant toute une période d'épreuves pendant laquelle il gardera, avec une gaule blanche, les crapauds magiques, tous les jours de sabbat. S'il se tire victorieusement des épreuves, il recevra entre les fesses un autre signe en forme de chat noir, de lièvre ou de patte de crapaud. Il pourra alors participer aux danses et au festin du sabbat lui-même et prononcer la phrase consacrée :« J'ai bu du tambourin, j'ai mangé du chaudron et je suis fait profès en sorcellerie ». S'il échoue, les sorcières le dépèceront et en feront un horrible ragoût.