L'invasion des Hyksos mit fin au Moyen Empire. Comme toujours en Egypte, la renaissance ne vint qu'après la reprise des destinées du pays par un pouvoir central fort, en l'occurrence celui des princes de Thèbes, et après le retour aux valeurs culturelles fondamentales.
Au début de la XVIIIe dynastie, l'Egypte est à l'apogée de sa puissance, sa domination s'étend jusqu'à l'Euphrate et au sud, dans le pays de Couch (Koush). Les tributs affluent, et cette opulence est fort propice aux arts.
L'architecture bénéficie en particulier de l'abondance générale; elle vise au monumental, voire au grandiose. Des temples nombreux et immenses sont édifiés à la gloire des dieux et des pharaons. Avant tout, c'est à Karnak que les constructions s'ajoutent les unes aux autres, dans le grand sanctuaire du dieu impérial Amon. A l'édifice qui existait déjà sous le Moyen Empire, les premiers souverains de la XVIIIe dynastie apportèrent de notables compléments, ajoutant une suite de pylônes vers l'ouest. Hatshepsout consacra une splendide petite chapelle en quartzite rouge. En arrière du sanctuaire, Thoutmosis III édifia la célèbre «salle des fêtes ».
A Louxor s'élève le plus beau temple divin de la XVIIIe dynastie, dédié à la triade thébaine par Aménophis III et bâti par l'illustre Amenhotep. Il était précédé d'une magnifique colonnade aboutissant à une vaste cour bordée, sur trois côtés, de portiques.
Loin vers le sud, dans les solitudes désertiques du Soudan, le grand temple jubilaire de Soleb est consacré par Aménophis III au dieu Amon et à sa propre image divinisée : à l'arrière d'un premier pylône, un dromos flanqué de statues de béliers donnait accès au temple proprement dit; par un vestibule et deux grandes cours à portiques, puis par une salle hypostyle aux colonnes décorées des écussons des peuples «envoûtés» d'Asie et d'Afrique, on pénétrait dans les trois salles du sanctuaire, aujourd'hui disparu.
Les pharaons du Nouvel Empire abandonnèrent la sépulture surmontée d'une pyramide construite et le vaste complexe funéraire qui s'y rattachait. En plein ouest, sous la Cime thébaine, sorte de gigantesque pyramide naturelle, au fond d'un défilé rocheux, les souverains se font creuser les hypogées de la fameuse « Vallée des Rois»; les autres membres de la famille royale étaient enterrés dans la «Vallée des Reines», un peu plus au sud. Un couloir en pente raide, pourvu de coudes et de décrochements, conduit aux chambres de chaque appartement funéraire. Entièrement dissociés de ces tombes sont les temples funéraires qui, à plusieurs kilomètres de là, s'alignent dans la vallée, à la
limite des cultures et du désert. De l'immense temple funéraire d'Aménophis III, il ne reste plus que les gigantesques statues, les deux colosses de Memnon, qui en gardaient l'entrée. Très original est le temple funéraire de Deir el-Bahari, construit pour la reine Hatshepsout par son architecte et favori Senenmout. Le temple déploie ses longues lignes horizontales au bas de l'immense falaise verticale du cirque de Deir el-Bahari. Tout au long du Nouvel Empire, les notables eux aussi ont des hypogées creusés dans les premiers contreforts de la montagne. Ils se composent d'une petite cour à ciel ouvert, d'une chapelle taillée dans le roc, puis de la tombe proprement dite.
L'abondante statuaire du début de la XVIIIe dynastie se rattache directement à celle du Moyen Empire. Assez vite, les sculpteurs adoptent un canon aux proportions plus allongées, soignent davantage le rendu des détails — comme les mains ou les pieds — et se distinguent par un goût de l'aimable ou du pittoresque.
Les statues d'Hatshepsout la représentent en homme, mais leur gracilité trahit le sexe du pharaon; plusieurs statues-cubes montrent Sénenmout, architecte et grand conseiller de la pharaonne Hatchepsout, accroupi, les jambes repliées sur le devant du corps; dans d'autres groupes charmants, l'architecte tient la petite princesse Neferourê. La statue la plus célèbre de ce début de la XVllle dynastie est peut-être celle de Thoutmosis III, foulant aux pieds les « neuf arcs» gravés sur le socle (les peuples vaincus par lui), témoignage d'un art classique somme toute assez impersonnel (musée du Caire).
Les représentations d'Aménophis III et de ses contemporains se signalent par leurs yeux fendus en amandes, leur sourire fugitif, leur sensibilité et le rendu délicat des vêtements. On atteint ainsi le point limite d'une exquise harmonie; c'est la veille de la rupture de l'art amarnien.
Le grand temple d'Hatshepsout à Deir el-Bahari est également réputé pour le pittoresque des reliefs qui retracent une expédition au pays de Pount : le ciseau du sculpteur a détaillé les cases d'un village indigène et la réception des envoyés égyptiens par le couple des roitelets locaux.
L'art du relief suit la même évolution que la statuaire, pour aboutir sous le règne d'Aménophis III à la merveilleuse éclosion des reliefs de la tombe de Ramose, par exemple : on admire les profils purs du défunt et de son épouse, le détail de leur lourde perruque, l'élégance des plis de la robe transparente.
Le calcaire très friable de la montagne thébaine, où étaient creusés certains hypogées, se laissait difficilement sculpter : seules quelques tombes royales sont ornées de reliefs mais dans les sépultures des notables, ce procédé fait place à la peinture appliquée sur une couche de stuc. Le caveau peut être décoré de scènes religieuses, qui se développent à l'époque ramesside; mais c'est dans la chapelle que se déploie surtout la verve des artisans du Nouvel Empire; à côté des tableaux retraçant les cérémonies des funérailles, d'autres sont relatifs à la vie privée du défunt :
thème de la chasse et de la pêche dans les fourrés de papyrus, de la chasse dans le désert, scène du banquet, rehaussée de délicieux détails comme celui des musiciennes et du harpiste aveugle; dans la tombe de Nakht sont conservées des scènes relatives aux travaux agricoles. La peinture, quelque peu guindée dans les sépultures les plus anciennes, se libère progressivement pour faire preuve d'inspiration et de hardiesse.
Le pharaon Aménophis IV est à l'origine d'une crise religieuse unique dans l'histoire égyptienne. « Ivre de dieu », qu'il sentait présent sous la forme d'Aton, le disque solaire, il tente de transformer toutes les structures de la religion égyptienne : révolution théologique qui ne manque pas d'incidences politiques, par la disgrâce du clergé d'Amon.
Remarquons d'emblée que l'art amarnien (v. AMARNA) est principalement un art de cour, dû à la volonté d'un seul homme qui, non content de délaisser le panthéon égyptien pour un dieu unique, abandonna Thèbes et fonda, en Moyenne-Egypte, la nouvelle capitale d'Akhetaton, sur l'actuel site de Tell al-Amarna. Le grand temple qu'Akhenaton dédia au disque solaire, presque entièrement à ciel ouvert, se compose d'une succession de cours séparées par des pylônes et pourvues d'autels que venaient baigner les rayons d'Aton. Les fondations des palais royaux ont été mises en évidence; Tell al-Amarna est aussi l'un des rares sites où l'on a pu étudier la maison égyptienne.
A Thèbes même, où le roi continue à construire au début de l'hérésie amarnienne, les innombrables petits blocs de grès sculptés des sanctuaires solaires ont été ensuite démontés et réutilisés, en particulier dans les pylônes de Karnak : les archéologues peuvent s'adonner au puzzle gigantesque de ces « talatates », dont la décoration a été de la sorte miraculeusement sauvegardée.
Les premières réalisations de la ronde-bosse amarnienne constituent une réaction brutale contre l'idéalisme de l'art d'Aménophis III : ainsi dans les piliers statuaires du temple construit par Akhenaton à l'est de Karnak. Le roi resurgit avec toutes ses tares physiques; la déformation crânienne, le visage émacié, le menton prognathe, la poitrine étriquée, les hanches féminines sont accentués impitoyablement. Cet «académisme de cauchemar » se tempéra : sur le magnifique buste du roi coiffé du casque bleu (musée du Louvre) s'esquisse un léger sourire. Le visage d'une intelligence pénétrante de la reine Nefertiti a inspiré les sculpteurs, qui ont laissé d'elle des portraits d'une beauté et d'une pureté exceptionnelles.
Le relief amarnien n'hésite pas à nous faire pénétrer jusque dans l'intimité de la famille royale : le roi joue avec ses filles ou embrasse la reine, ce qui est unique dans l'histoire de l'art égyptien. Plus encore que dans le relief, c'est dans la peinture que s'est déployé l'amour de la nature, si caractéristique de l'art amarnien. Illustrant les grands hymnes naturistes d'Akhenaton, papillons et oiseaux aux éclatantes couleurs prennent leur envol. Le délicieux groupe des petites princesses enlacées offre une extraordinaire gamme de jaunes et d'oranges.
Si la révolution religieuse introduite par Akhenaton fut sans lendemain, l'influence amarnienne demeura décisive sur l'art égyptien. Elle marque les statues de Toutankhamon et d'Horemheb. Elle est sensible dans les pièces du matériel funéraire de Toutankhamon, souverain mineur qui serait demeuré obscur sans la découverte, en 1922, de sa tombe aux trésors précieux, dont l'élégance verse parfois dans le maniérisme.