Faust est le héros de nombreuses œuvres littéraires et artistiques.
A l'origine de la légende et du mythe, un homme, qui vécut en Allemagne dans la première moitié du XVIe s. (Johannes Trithemius [1462-1516] en parle dès 1507; le personnage a dû mourir vers 1540). Comment, autour de cet homme, assez médiocre semble-t-il, une légende a-t-elle pu se former? C'est que Georg ou Johann Faust était un sorcier. La magie est un savoir qui, par une transgression des interdits religieux — la magie est la religion à l'envers —, donne le pouvoir (le salut sans et contre Dieu).
Savoir, pouvoir, transgression, il n'est point étonnant que ces aspects constitutifs du type médiéval du sorcier s'exaltent au XVIe s. On continue à croire au pouvoir de la magie, et, en même temps, l'aspect «savoir» est renforcé par le fait qu'un sorcier comme Faust se trouve alors être aussi un professeur il a enseigné à Kreuznach—, une sorte d'humaniste, de savant, un Paracelse dévoyé. Aussi bien le mythe goethéen de Faust sera-t-il le mythe de la connaissance et de sa puissance. En outre, si les interdits persistent dans l'Allemagne luthérienne, la Renaissance exalte l'individu et tend à le libérer, renforçant donc le troisième trait du sorcier, qui est la transgression. L'appétit de jouissance qui va bientôt s'exprimer dans le mythe de Don Juan sera parallèle à l'ambition, proclamée par le Faust de Marlowe, de dépasser les limites qui briment l'individu humain.
Telles seraient les raisons générales qui expliqueraient la naissance de la légende — laquelle s'est formée. comme il est habituel, par agglutination de thèmes divers. Les humanistes, qui ont été les premiers à parler de Faust, nous le présentent comme un sorcier vantard et sodomite. La piété et la naïveté de Melanchthon et de ses disciples ont fait davantage pour la légende de ce personnage, qui leur est apparu comme un être redoutable, capable d'évoquer, à l'occasion, la belle Hélène de Grèce, lié avec le diable, qui l'a sans doute étranglé. Enfin, en plusieurs endroits d'Allemagne, une légende populaire se développe, qui multiplie les tours et les prodiges du sorcier. En bref, un Panurge germanique, un Till Eulenspiegel savant et suspect. Cette légende s'inscrit en 1587 dans le Volksbuch imprimé par Spies, Historia von D. Johann Faim-(en, qui introduit dans le récit la légende d'Hélène l'Hélène de Homère et l'Hélène de la gnose --venue de l'histoire de Simon le Magicien, et qui entoure ce conglomérat de théologie luthérienne.
Dans le Faust romain de 1808, la pure Lenchen, qui a été séduite et abandonnée par Faust, intercède pour lui au ciel, avec la Vierge Marie. Plus vigoureux est le roman de F. M. Klinger, Fausts Leben, Taten und Hollenfahrt (1791), qu'il faudrait ranger dans la zone d'influence de J.-J. Rousseau. Faust, inventeur de l'imprimerie, par confusion avec Fust, est un génie malheureux, à la sensibilité trop ardente, à l'imagination fougueuse, qui se révolte contre l'ordre établi; c'est la société, qu'il apprend à connaître en compagnie de Méphistophélès, qui l'a corrompu, lui bon et pur à l'origine, et condamné à l'éternel supplice de la solitude et du doute. En infusant tour à tour à la vieille légende leur idéologie propre, l'Aufklärung et le Sturm und Drang préparaient le traitement symbolique qui permettra à Goethe de faire de la légende de Faust un mythe philosophique et, peut-être, le mythe philosophique par excellence — die absolute philosophische Tragédie, selon Hegel (Leçons d'esthétique, 3e partie).