De par sa situation géographique très particulière, le Tibet a toujours été sujet à de nombreuses interprétations et extrapolations philosophiques et mystiques. «Plateau du monde», « pays des neiges», c'est en effet sous l'apparence de la «terre du sacré» par excellence que cette contrée est apparue dans l'histoire de l'Asie et de l'Occident. Récemment venu de la côte ouest des Etats-Unis, un engouement mystico-religieux issu d'une société occidentale en crise a polarisé sur ces hautes terres un intérêt axé sur la recherche de la connaissance «fondamentale» à travers une expérience spirituelle autre que celle que le catholicisme et le protestantisme leur avaient offerte. Pourquoi cet intérêt constant pour ce pays, pourquoi cette charge spiritualiste et mystique?
La réponse demeure dans le fait que ce pays est demeuré très longtemps marginal par rapport aux grands courants historiques qui ont secoué le monde. Situé comme une enclave aux confins de deux civilisations, celle de l'Inde et celle de la Chine, le Tibet, tout en maintenant sa propre identité, a bénéficié de l'apport de ces deux grandes cultures, restant cependant fidèle à sa tradition autochtone pré-chinoise et pré-indienne.
Sur le plan de la culture matérielle, le Tibet est en grande partie débiteur de la Chine; l'Inde lui a fourni ses textes sacrés, son bouddhisme et une éthique en tout point opposée à la tradition populaire tibétaine, essentiellement guerrière et fondée sur le brigandage.
Le Tibet a pu être considéré à juste titre comme un Etat dont les structures sociales étaient empreintes à tous les niveaux par le phénomène religieux. Mis à part les moines, les nonnes, les prêtres séculiers et les néophytes, la vie laïque était dominée et contrôlée par la religion. Cependant, il est d'une importance primordiale de bien définir la conception du mysticisme au Tibet. Alexandra David-Neel (1868-1969) la détermine dans son livre "Initiations lamaïques" : «Un mystique en Occident est un dévot, dévot d'ordre très supérieur si l'on veut, mais toujours essentiellement un croyant, l'adorateur d'une divinité [...]. Tout au contraire, le mystique tibétain apparaîtra à beaucoup d'Occidentaux comme un athée. Ainsi, parmi les nombreuses déités du panthéon lamaïque il n'en est pas une seule qui remplisse le rôle d'être éternel, tout puissant, créateur du monde.»
La religion chamaniste bön prédominait au Tibet avant le bouddhisme. La doctrine originelle du bouddhisme, née d'un schisme avec l'hindouisme aurait été prêchée au VIème siècle avant notre ère par Siddharta Gautama (connu aussi sous les noms de Shakyamuni ou Bouddha historique). Cette première forme appelée bouddhisme Hinayana (doctrine des anciens) indique la voie pour atteindre le nirvana en éliminant les passions, les illusions du moi et les désirs. En suivant la loi morale délivrée par le Bouddha, on peut espérer abréger le cycle des réincarnations successives et atteindre la délivrance.
Sans doute trop ardue, dogmatique et composée de subtilités métaphysiques, la forme Hinayana évolue vers des voies plus accessibles qui prendront formes à travers le Mahayana. La recherche individuelle du nirvana cesse d'être l'objectif unique au profit du salut d'autrui. En même temps, le bouddhisme se divinise, se dote d'une théologie complexe en faisant émerger la notion de Boddhisattva, de l'Adi-bouddha et des Jinas ou Dhyani- bouddha. Des fantômes, des démons, des dieux venus parfois de très loin, des animaux et toute la rude nature himalayenne se sont mêlés pour créer la foisonnante mythologie tibétaine. La mythologie tibétaine déborde largement les frontières du Tibet contemporain (voir la partie religion)