Durant l'étonnant essor du Néolithique, qui, parmi d'autres découvertes, voit la mise en oeuvre de l'agriculture et de l'élevage, la Mésopotamie ne joue un rôle que très tardivement; aussi, dans l'ensemble d'un Proche-Orient brillant et riche de ses découvertes successives, fait-elle longtemps figure de parent pauvre, car, durant cette première période, les techniques acquises ne permettaient d'obtenir des résultats dans une plaine alluviale d'une grande fertilité qu'à condition que l'eau fût domestiquée et non plus irrégulièrement répartie dans le temps et dans l'espace.
Lorsque l'homme eut discipliné l'eau grâce à des canaux, la vallée des Deux Fleuves devint alors une région de prospérité. L'existence de grands espaces, aux possibilités agricoles uniquement conditionnées par des aménagements hydrauliques, modifie totalement les conditions de la production et conduit les communautés humaines dans des voies nouvelles qui débouchent sur la naissance d'une organisation du pays en Cités-Etat et sur l'invention de l'écriture. Toutefois, cette prospérité repose sur une base uniquement agricole, et les plus anciens groupes humains installés dans la plaine ne pouvaient subsister que grâce à des relations extérieures, parfois fort lointaines, afin d'obtenir le bois nécessaire à l'habitat, aux barques et au mobilier, les pierres pour l'outillage et l'armement, enfin, avec l'âge des métaux, le cuivre et l'étain, indispensables à tous les instruments de bronze, qui, progressivement, remplacent l'outillage lithique et donnent à celui qui en est pourvu une puissance bien supérieure.
Cette activité commerciale, ces relations lointaines, d'abord essentielles à la survie, deviennent aussi rapidement source de richesse, et l'on comprend dès lors aisément le processus qui, de la quête des produits de première nécessité, conduit à la formation des grands empires d'Akkad, de Sumer, d'Assyrie et de Babylone.
Toutefois, un réseau commercial, quelque développé qu'il ait été, ne pouvait procurer aux habitants de la Mésopotamie tout ce qui leur manquait; aussi leur ingéniosité dut-elle s'exercer pour tirer des seules ressources du pays les objets les plus variés, absolument nécessaires à la vie quotidienne : l'argile, crue et mélangée à de la paille hachée ou moulée en forme de brique, devint la matière première de l'architecture; purifiée et sous forme de tablette, elle servit de support à l'écriture; tournée et cuite, elle servit à faire, comme ailleurs, des récipients divers, d'usage courant. On peut, sans exagération aucune, dire que la vie quotidienne se moule en Mésopotamie dans l'argile.
Quant au bitume, ses qualités plastiques en firent un excellent liant en architecture et un isolant parfait pour les canalisations et les installations hydrauliques, qui exigent l'étanchéité; enfin, le roseau fut utilisé aussi bien dans l'architecture que dans le mobilier, la navigation ou l'éclairage; il semble même avoir servi d'aliment en période de famine. L'essor de la Mésopotamie repose ainsi sur la richesse alluvionnaire du sol et sur la quasi-absence de toute autre matière première. On ne dira jamais assez l'extraordinaire puissance d'invention des populations mésopotamiennes, qui, confrontées en plein Néolithique à des problèmes critiques de survie, ont su jeter les bases économiques, sociales et culturelles des communautés qui ont dominé et rayonné depuis la Mésopotamie sur tout l'Orient et le bassin méditerranéen.