GILGAMESH ⑶

D'inspiration toute différente sont les six autres chants. Les deux héros, grisés par leurs succès, ne se sont pas aperçus qu'ils sont tombés dans la démesure et qu'ils encourent le châtiment divin.

LA MORT D'ENKIDU.

Un jour Enkidu tombe gravement malade, pendant douze jours il va lutter contre son mal et la mort qui le guette.

Pourquoi ne fuirais-je pas par la campagne ?
Enkidu, mon ami, mon petit frère, panthère du désert,
Mon ami qui avec moi tuait des lions,
Mon ami qui avec moi affrontait toutes les difficultés,
Son destin l'a saisi ;
Six jours et six nuits sur lui j'ai pleuré ;
Puis j'eus peur de la mort et je m'enfuis par la campagne.
Mon ami que j'aimais est devenu semblable à la boue,
Et moi, faudra-t-il me coucher comme lui,
et ne me relever plus à jamais ?

Malgré tous les soins attentionnés, à l'aube du treizième jour, Enkidu expire entre les bras de son ami. Ainsi s'accomplit le songe funèbre, qui l'avait troublé au début du poème.

Gilgamesh, désespéré, entonne une lamentation funèbre en l'honneur de son incomparable compagnon et pleure pendant six jours et six nuits. Il sait que, lui aussi, devra mourir et une peur panique le fait s'enfuir. Toutefois il espère mériter la vie éternelle, à l'instar des dieux et du héros du Déluge Universel, Outnapishtim. A cet effet, le roi abandonne tout et décide d'aller demander à ce bienheureux personnage le secret de l'immortalité.

LES HOMMES-SCORPIONS.

L'Épopée évoque, ici, le voyage long et harassant entreprit par le Roi pour arriver à la demeure d'Outnapishtim, dans l'île des Bienheureux.

 
Homme-scorpion
© Stephane Beaulieu, (Pritchard 1969b: 176)

La première des épreuves est de se débarrasser de lions puis il arrive au mont Mashu ou Mashou (les monts Jumeaux) qui se compose en effet de deux monts jumelés sur lesquels repose la voute des cieux et c'est là que chaque soir le soleil vient traverser le tunnel qui s'enfonce sous la terre et qui le conduit vers l'Est.
La porte de la montagne est gardée par les terribles hommes-scorpions (un mâle et sa femelle), dont la tête touche à la terrasse des cieux et dont la poitrine atteint les Enfers. A leur vue, Gilgamesh sent son visage pâlir de crainte et d'effroi; il reprend néanmoins ses esprits et s'incline devant eux.
En fait les hommes-scorpions reconnaissent en lui "la chair des dieux" et après être lui avoir demandé les raisons de sa visite, lui ouvrent la porte aux vantaux en bois de cèdre.

Il chemine dans une obscurité épaisse pendant onze doubles-heures et par une de plus s’il ne veut pas être brûlé par l’astre solaire. Enfin, la lumière brille de nouveau, et Gilgamesh se trouve dans un jardin merveilleux qui s'étend le long de la mer et où les arbres portent, à la place de fruits, des pierres précieuses de toutes les couleurs.

CHEZ SIDURI.

Pourquoi donc rôdes-tu Gilgamesh?
La vie-sans-fin que tu recherches,
Tu ne la trouveras jamais.
Quand les dieux ont créé les hommes,
Ils leur ont assigné la mort,
Se réservant l'immortalité à eux seuls,
Toi, plutôt, remplis-toi la panse;
Demeure dans la joie jour et nuit;
Fais quotidiennement la fête;
Danse et amuse-toi, jour et nuit;
Habille-toi de vêtements bien propres;
Lave-toi, baigne-toi,
Regarde tendrement ton enfant
Qui te tient par la main,
Et fais le bonheur de ta femme serrée contre toi,
Car telle est l'unique perspective des hommes

Au bord de ce rivage splendide, vivait   Siduri, la cabaretière des dieux, établie là pour accueillir on ne sait qui ; elle prit peur en voyant arriver le héros sale et vêtu de peaux de bêtes qu’elle prit tout d'abord pour un assassin.
Elle s’enferma à double tour dans sa taverne mais  Gilgamesh menaça d’enfoncer la porte et de briser le verrou si elle n’ouvrait pas rapidement.
Il se fit connaître en racontant brièvement ses aventures et lui demanda des renseignements nécessaires pour la suite de  son voyage.

La déesse consentit alors à l'écouter, mais elle s'étonna de son aspect négligé et mal en point. Elle lui montra d'abord l'inutilité de son voyage et lui proposa de rester sur la plage avant de lui donner finalement les informations demandées.

Il poursuit sa quête en allant tuer les Etres de Pierre du passeur Ur-Shanabi qui, sensible aux tourments du roi, accepte de le conduire à Outnapishtim grâce aux perches de bois qu'il a ramassées.

Aidés par les vents de  Shamash, il arrive sur la rive d'Outnapishtim mais Gilgamesh est changeant; chez lui, le pire côtoie le meilleur et a du mal à accepter les paroles sensées du dieu. Le paysage se transforme au rythme des sentiments qui animent le roi.

LE DELUGE.

Gilgamesh y rencontre Outnapishtim et son épouse, et demande au Héros du Déluge comment il a obtenu l'immortalité. Ce dernier commence son histoire en partant de l'époque où il habitait à Shuruppak. Il décrit ensuite comment les dieux décidèrent de détruire l'humanité par le Déluge universel. Ea lui révéla alors le dessein des dieux, en lui enjoignant de construire un bateau où il pourrait monter avec toute sa famille, les animaux et les plantes. Les dieux accourent, mais ils sont encore irrités à cause de la punition trop cruelle infligée aux hommes. Enlil, pour les amadouer, se réconcilie avec Outnapishtim, le bénit et lui concède ainsi qu'à son épouse l'immortalité.

LA DECEPTION.

Outnapishtim lui propose une expérience à Gilgamesh: qu'il demeure six jours sans dormir, et à son tour il pourra devenir immortel. Il échoue. Alors le roi d'Uruk reprend le chemin pour revenir à la ville ; en cours de route, Outnapishtim lui montre une herbe au fond de la mer, porteuse du souffle vital, appelée  « Le vieillard rajeunit ». Gilgamesh plonge au fond de la mer, y trouve l'herbe magique. Mais tandis que le roi s'arrête près d'une source pour se laver, un serpent sort à l'improviste d'un trou, s'empare de l'herbe et disparaît. Le roi pleure, parce qu'avec cette herbe il a perdu la jeunesse éternelle. Il retourne finalement à Uruk.

LA CONCLUSION.

Toujours plus inquiet sur son propre sort, il consulte l'ombre de son ami mort, qui, par une permission toute particulière du roi des Enfers, Nergal, revient sur la terre et répond aux questions angoissées du roi, concernant la vie dans le monde souterrain et beaucoup d'autres problèmes. L'épopée se termine ainsi.

Mais, bizarrement, la 12ième tablette reprend le fil du récit avec Enkidu et y ajoute une péripétie : pour aller y chercher "la baguette" et "le cerceau" de Gilgamesh, Enkidu fait le voyage aux Enfers, où il reste prisonnier.
Son fantôme parvient toutefois à s'en échapper brièvement et rapporte à Gilgamesh de ce qu'il y a vu.
Unique enseignement : au pays des morts, celui qui dans sa vie n'a eu qu'un fils "pleure amèrement", quand celui qui en a eu sept est "assis en compagnie des dieux" et "écoute de la musique".

L'immortalité du héros, c'est la survivance littéraire de ses exploits, disent les onze premiers pavés d'argile ; l'immortalité de l'homme du peuple, c'est la pérennité de sa lignée, ajoute in extremis le douzième.

FILIATION

Ninsun Lugalbanda
GILGAMESH
Epoux* / amante Enfants
Shamhat  

BIBLIOGRAPHIE

Bibliothèque virtuelle (d après Blake et Mortimer)
http://clio.chez.com/