Tragédie d'Euripide, la dernière que le poète ait composée à Athènes, représentée en 408. Le destin d'Oreste s'y déroule à partir du meurtre de sa mère. Argument proche de celui des Euménides (v. Orestie) d'Eschyle et aussi de l'Iphigénie en Tauride du même Euripide, mais traité d'une façon toute différente.
La scène se passe à Argos où, comme l'expose Electre dans le prologue, Oreste est resté après son parricide. Rappelons qu'Oreste n'a tué sa mère que parce que telle était la volonté expresse d'Apollon. Immédiatement après le meurtre, Oreste est devenu la proie des Erynnies : tourmenté par de terribles accès de folie, il ne reprend conscience que pour pleurer son malheur. Voilà tout juste six jours que le malheureux, terrassé par son mal, s'abstient de toute nourriture. Assise à son chevet Electre tente de l'assister. C'est le jour que le peuple d'Argos a choisi pour faire juger le parricide par un vote public. Electre s'attend à une condamnation à mort et ne met son espoir que dans l'arrivée imminente à Argos de Ménélas, frère d'Agamemnon qui, après un long voyage, revient de la guerre de Troie. Hélène l'a précédé, arrivée de nuit pour ne pas être vue des Argiens dont elle craint l'hostilité, ayant été la cause de la guerre troyenne. S'étant rendue auprès d'Electre qui veille son frère endormi, Hélène s'est informé de son mal. C'est alors qu'elle adresse à Electre l'inopportune prière d'aller, de sa part, porter des offrandes funèbres sur la tombe de Clytemnestre : en effet, comment Electre oserait-elle porter des offrandes sur la tombe de sa mère alors qu'elle a aidé à la tuer ; aussi conseille-t-elle d'envoyer à sa place Hermione, sa propre fille. Hélène accepte. Les deux femmes se séparent après cet entretien où elles se sont traitées avec une sourde hostilité. Mais voici que le sommeil abandonne le malheureux Oreste : sa soeur l'entoure aussitôt de soins affectueux et s'empresse de lui dire le nouvel espoir qu'éveille l'arrivée de Ménélas. Tandis qu'elle parle, Oreste est repris d'un accès de son mal. Il voit les Erynnies s'approcher de lui avec des yeux terribles et prend sa soeur elle-même pour une de ces Furies. Peu à peu il se calme, clame son infortune et déplore son acte. L'ordre du dieu fut un mal et son père lui-même, s'il avait pu l'interroger, ne lui aurait certainement pas conseillé une telle vengeance. Pendant qu'Electre s'éloigne, le choeur invoque les Erynnies afin qu'elles accordent le repos à Oreste. Apparaît Ménélas déjà au courant de l'infortune d'Agamemnon et de la mort de Clytemnestre. Un colloque a lieu entre lui et Oreste qui l'informe des circonstances de son crime, de son état actuel – honni par tout le peuple, il va être lapidé – et lui demande son secours au nom d'Agamemnon. Ménélas est plutôt enclin à la bienveillance. Mais son attitude change avec l'arrivée de Tyndare, père de Clytemnestre et d'Hélène. Il vient au tribunal des Argiens soutenir l'accusation contre Oreste et s'étonne de voir Ménélas s'entretenir avec le parricide. Il n'entend pas défendre sa fille, qui certes fut coupable, mais la justice, laquelle interdit la vengeance individuelle et commande de s'en remettre au jugement des tribunaux. C'est ce que devait faire Oreste en se contentant de chasser sa mère de la maison. Oreste cherche à se défendre, mais il ne parvient qu'à exaspérer Tyndare sans convaincre Ménélas : celui-ci craint de ne pouvoir lui être d'aucun secours, car il redoute la fureur des Argiens. Il ne reste à Oreste que Pylade pour le soutenir : chassé par son père pour avoir pris part lui aussi au meurtre, il vient partager le sort de son ami. Pylade, lui, estime qu'il faut affronter l'assemblée du peuple, c'est l'unique espoir de salut. Après une pause durant laquelle le choeur déplore le parricide, un messager vient apprendre à Electre qu'Oreste a été condamné à mort par le peuple et qu'elle doit subir le même sort. L'unique grâce qui leur soit concédée est qu'ils pourront eux-mêmes se donner la mort au lieu d'être lapidés. Un seul homme, un paysan de bon sens, a pris énergiquement le parti d'Oreste et proclamé la sainteté de son acte. On sent manifestement dans ce récit l'intention d'Euripide de dépeindre satiriquement la sottise incommensurable d'une assemblée populaire de son temps. La situation est telle qu'il semble que rien ne puisse sauver le frère et la soeur.
A ce moment intervient Pylade qui propose de tuer Hélène, cachée dans la maison. Le meurtre d'une femme de mauvaise vie, cause de tant de deuils, ne saurait être un crime. Et Electre voit soudain dans ce nouveau meurtre une possibilité de salut pour eux. Elle sait qu'Hermione va revenir de la tombe de Clytemnestre. Qu'Oreste s'empare de la jeune fille ; elle lui servira d'otage si Ménélas veut venger Hélène. La chose est convenue. Les trois conjurés implorent force et succès d'Agamemnon pour qui ils ont souffert et tué. Electre et le choeur, qui lui est favorable, se mettent aux aguets afin d'attendre Hermione. On entend alors de l'intérieur de la maison les cris poussés par Hélène appelant au secours. Arrive Hermione qui, après quelques paroles menteuses d'Electre, est saisie par Oreste et Pylade et entraînée de force dans la maison. Tandis que le choeur, sur les conseils d'Electre, cherche à couvrir par des danses et des chants les plaintes qui s'élèvent dans le palais, apparaît un esclave phrygien : s'adressant au public, il raconte que Pylade et Oreste, après avoir pénétré dans la maison d'Hélène, en ont éloigné les serviteurs, puis se sont jetés sur elle pour la tuer ; mais entre leurs mains, elle a mystérieusement disparu. Fou de peur, l'esclave s'est précipité au dehors, suivi d'Oreste qui l'oblige à se taire. Mais voici qu'au bout d'un instant une fumée apparaît au faite de la maison. Oreste et Pylade ont préparé des torches pour mettre le feu et sont montés sur le toit, emmenant Hermione avec eux.
Survient Ménélas, criant vengeance pour le meurtre d'Hélène ; mais il ne peut entrer dans la maison où se sont enfermés Oreste et Pylade. Du haut du toit, Oreste le menace d'égorger Hermione et de mettre le feu à la demeure, s'il ne persuade les Argiens de l'absoudre et de lui rendre son trône. Envahi par une fureur de destruction. Oreste ordonne de mettre aussitôt le feu. Mais voici le deus ex machina qui vient résoudre le conflit. Apollon apparaît et révèle que la mort a été épargnée à Hélène et qu'elle a été enlevée jusqu'au séjour des dieux. Ménélas devra obéir à Oreste et le sauver. Quant à Oreste, il devra se rendre à Athènes pour se purifier avant de retrouver son trône et d'épouser Hermione. Suivant le désir d'Apollon, la paix se rétablit.
Au point de vue de l'interprétation morale du mythe, ce drame est peut-être le plus étrange et le plus déconcertant qu'ait écrit Euripide. Indubitablement, le poète juge le parricide comme abominable dans tous les cas et condamne une religion qui arrive à en admettre la nécessité. Mais cette idée est difficilement conciliable avec le fait que, dans l'assemblée populaire jugeant Oreste, son accusateur le plus acharné soit un démagogue méprisable et son défenseur l'unique homme de bon sens et de vertu. La vérité est probablement que ces mythes ont perdu pour Euripide tout sens de vérité et qu'il ne les discute plus sérieusement, même lorsque le conflit entre les opinions qu'ils éveillent plaît à son esprit et reflète çà et là sa propre opinion. De tels mythes sont choses jugées pour Euripide et n'ont de valeur qu'en tant qu'hypothèses, comme point de départ du jeu dramatique. Tous les personnages sont dépeints avec le pessimisme le plus noir et le plus désolé. En dehors de Pylade, tous les personnages sont des mauvais écrivait déjà un: critique ancien, et nous n'acceptons même pas cette exception. Certes une telle prise de position permet des représentations pleines d'acuité, de vie et d'intérêt scéniquement bien construites, mais elles demeurent extérieures et n'éveillent aucune sympathie pour la souffrance des personnages. Seules les premières scènes, avec la folie d'Oreste et la douleur d'Electre, ont une belle et triste résonnance poétique ; mais chacun sent que ces scènes ne se rattachent pas au drame et ne fusionnent pas avec l'ensemble.
T.N. Garnier, 1935.