Naguère, les premiers temps de la Grèce étaient exclusivement du domaine de la légende. Les exégètes antiques plaçaient à l'origine les dieux, puis les héros, enfin les hommes. La linguistique et l'anthropologie ont travaillé en vain; seule l'archéologie a révélé des états de civilisation.
Les premières populations dont on constate l'existence, à la fin du néolithique, étaient proches de la barbarie. On laisse ces demi-sauvages, afin de simplifier, le nom de Pélasges dont les anciens désignaient en bloc les prédécesseurs des Hellènes mais qui ne signifie rien. Au point de vue ethnographique ces "Pélasges" reçurent des Egéo-Crétois les premiers éléments d'une culture supérieure.
Vers le XVe siècle apparaissent ensuite ceux que les textes égyptiens appellent « les peuples de la mer » cette mer qu'ils avaient franchie pour aborder en Syrie. Ceux-là sont les ancêtres des peuples classiques de Grèce et d'Anatolie; ils sont de la famille linguistique indo-européenne. Ils venaient de l'Europe centrale et envahirent toute la péninsule des Balkans, appelons les Achéens, comme Homère. Terriens, ils deviennent des navigateurs, ruinent les Minoens, mais s'approprient leur civilisation; elle se fond avec la leur, et l'amalgame forme la civilisation mycénienne. Hardis, ambitieux, ils se répandent sur l'Asie; la guerre de Troie n'est qu'un épisode de leurs entreprises. Vers ce temps de nouvelles vagues d'invasion déferlent du Nord; cette fois, ce sont les Doriens, peu différents des "Achéens", mais qui représentent l'âge du fer. Ensuite seulement se prononcera la distinction entre Doriens et Ioniens. Bientôt nous nous trouvons en face de groupements politiques, constitués on ne sait pas trop comment. Thessaliens, Béotiens, Messéniens, Laconiens, Attiques, etc.; les deux derniers éclipseront les autres peu à peu.
Sur les premiers siècles de Sparte nous n'avons que des données romanesques; il semble certain toutefois qu'elle finit par dominer plus d'un tiers du Péloponnèse, la zone méridionale. Pour Athènes, la tradition plaçait au début le synoecisme de Thésée, passage graduel, d'ailleurs vraisemblable, du morcellement à l'unité. La forme gouvernementale habituelle chez la plupart de ces groupements séparés parait avoir été d'abord la royauté, comme au temps de l'épopée, mais surveillée déjà par une aristocratie, qui finit par annihiler ou supplanter le roi. Abusant de sa puissance à l'égard des classes inférieures, elle rend possible, en beaucoup de contrées, la naissance des tyrannies.
Ces tyrans, intronisés par un coup de force, s'appuient sur la masse du peuple et sur leur garde particulière. On en trouve notamment à Argos (Phidon), à Corinthe, à Sicyone (les Orthagorides), à Mégare (Théagéne), à Athènes (Pisistrate et ses fils) ce sont le plus souvent des hommes de caractère, d'initiative, et fastueux, qui favorisent les arts, le commerce, la civilisation en général. Mais ils ont, par l'hérédité, des successeurs qui ne les valent pas toujours et dont les maladresses ont parfois fait le jeu des vieilles aristocraties aux aguets. Cependant la bourgeoisie enrichie et la foule des artisans ou des gens de la glèbe n'acceptent plus les exactions des nobles. Sparte à part, ainsi que d'autres cités, dont nous sommes mal informes, il se forme des partis; ils entrent en lutte, et il est des villes où ces luttes dureront pendant plusieurs siècles.
A Athènes, dont l'histoire nous est mieux connue, l'évolution s'accentuera presque constamment dans le sens démocratique: les noms de Clystère, Simon, Ephialte, Periclès, Cléon suffisent à la caractériser. Ce que nous venons de dire s'applique pareillement aux colonies dont les Hellènes ont couvert les rivages de la Méditerranée. Sparte fut vivement aux prises avec Tégée et Argos, tandis qu'Athènes cherchait à s'étendre vers l'Eure et l'Archipel; mais déjà, à la fin du siècle, la rivalité de ces deux Etats s'était manifestée, présage d'un gros conflit; il se trouva retardé par l'invasion étrangère. On verra ailleurs les péripéties essentielles des deux expéditions conduites en Europe par les Achéménides. Elles se terminèrent par un succès incomplet de Sparte, qui avait manqué à la première guerre, tardé dans la seconde et accusé partout son jaloux esprit de séparatisme, par le triomphe d'Athènes, acheté très cher, mais prestigieux. Celui ci permit l'établissement de la grande confédération qui n'eut que pour un temps son centre à Delos; très vite Athènes y devint maîtresse absolue. Sa richesse croissante, les imprudentes ambitions auxquelles elle céda, provoquèrent d'abord la formation contre elle d'une ligue oligarchique, dont Sparte était l'âme. Une paix fut cependant conclue (-446), qui était prévue pour trente ans et n'en dura que quinze. Cet effroyable drame (guerre du Péloponnèse) en deux actes (-431 à -421 et -413 à -404), coupé par la néfaste expédition de Sicile, laissa Athènes à ce point pantelante que Sparte, malgré ses propres pertes en hommes, qui étaient lourdes, put imposer son hégémonie au monde grec et en Attique une dure oligarchie.
Hégémonie sans repos, du reste, entravée jusque chez elle par des rivalités entre individus, et toujours menacée par l'or Perse, qui désormais travaillait incessamment à user l'Hellade dans des luttes intestines. D'abord il suscita une ligue de la Grèce centrale contre Lacédémone, puis celle qui amena une guerre de six ans autour de Corinthe (393-386). Quand le Grand Roi eut par la paix d'Antalcidas, paralysé d'avance mute entreprise des Athéniens sur mer, Sparte, plus libre, reprit ses procédés de terreur, détruisit Mantinée, s'introduisit dans la citadelle de Thèbes. Mal lui en prit: cette dernière ville, sous l'impulsion de deux grands hommes d'exception, Pélopidas et Epaminondas, fut pour dix ans la puissance dominante; mais, après la mort de ses chefs, elle se résigna aussitôt à un traité (362) qui maintenait le statu quo. Elle était épuisée, Athènes aussi, et Sparte; à l'autre bout du monde Hellénique, en Grande Grèce, les dissensions continues entraînaient également les plus glorieuses cités vers leur déclin. Le hasard qui éleva au trône de Macédoine (-369) un génie politique poussa au premier plan cette monarchie jusque-là effacée. Philippe II étendit son royaume aux dépens des voisins, puis, cherchant à atteindre la mer, dut braver les villes protectrices des colonies entières. Il les divisa, les berna, multiplia les avantages partiels, si bien que lorsque, enfin, à la voix de Démosthène, se forma une ligue incomplète, l'armée commune, sans ressort, sans confiance, se laissa détruire à Chéronée (-338). C'était la fin de la Grèce, de la vraie.
Le fils du Macédonien, Alexandre, put bien se dire le champion des Hellènes, mais la courte épopée du jeune conquérant (336-323) ouvre en réalité une histoire toute nouvelle, une tentative de fusion entre eux et le monde barbare. Trop vaste était son empire pour un pareil dessein, et même pour sa conservation intégrale. Non seulement il se morcela entre plusieurs royaumes, de type oriental, il est vrai, mais très vite fut privé de ses lointaines provinces d'Asie. Les Séleucides durent abandonner l'Iran aux Parthes, une bonne partie de l'Asie Mineure à des roitelets, et batailler même, pour garder la Syrie, contre les Lagides d'Egypte. Ceux-ci, avec leur territoire d'une plus sure unité, connurent un siècle de puissance et d'éclat, mais de sanglants désordres à la cour précipitèrent leur déchéance. Dans la Grèce même, dépeuplée, ravagée, quelques essais de rapprochement s'opérèrent; ils survenaient bien tard, et Rome n'en rencontra pas moins de grandes facilités dans l'asservissement, par étapes, des diverses provinces de l'hellénisme. Les rois d'Asie et d'Afrique étaient des dégénérés, ou de trop petits personnages; ceux de Macédoine, isolés, se compromettaient par d'imprudentes alliances. Quantité de fruits mûrs tombèrent, à l'occasion par héritage, au pouvoir du Sénat, puis des grands proconsuls: la Grande Grèce à la fin du le siècle, la Macédoine à Pydna (-168) et bientôt l'ancienne Grèce (-146)- l'Asie Mineure, peu après, par morceaux; enfin la Syrie en -64 et l'Egypte en 30 av. notre ère. L'annexion formelle ne faisait que consacrer le vasselage et établir un régime administratif sous lequel le monde grec gardait encore sa langue, ses usages, ses institutions urbaines dans une large mesure et surtout son rayonnement intellectuel.
La Grèce sous la domination romaine.
L'échec des entreprises de Mithridate, la prise d'Athènes et du Pirée par Sylla, les victoires de Chéronée et d'Orchomène, ôtèrent à la Grèce ses dernières espérances, firent d'elle un champ de bataille dans les guerres civiles des Romains. Mais son influence morale, intellectuelle, littéraire, reçut un accroissement nouveau. Elle garda ses jeux, Athènes ses écoles. Le voyage de Grèce fut le complément indispensable d'une bonne éducation, L'empereur Hadrien surtout fut tenu par toutes les villes de Grèce et d'Asie Mineure pour le restaurateur de la Grèce dont la déchéance suivit enfin la fondation de Constantinople.