ANDROMAQUE

Tragédie du dramaturge grec Euripide (de -480? à -406 av. notre ère). On ignore la date précise où elle fut écrite, mais c'est sans doute vers -426, période où la rivalité des cités va entrainer la guerre du Péloponnèse (-431), ce qui explique le ton hostile aux Spartiates dont toute la tragédie est empreinte. La pièce fut jouée en 426.

RESUME.


Andromaque et Pyrrhus par COYPEL

L'épouse d'Hector, Andromaque, est confiée comme prise de guerre à Néoptolème, fils d'Achille. L'ayant gardée auprès de lui comme concubine. Néoptolème en a eu un enfant, Molosse, et l'a ensuite emmenée avec lui à Phthie, dont le roi est encore le vieux père d'Achille, Pélée.
Cependant Néoptolème s'est marié avec Hermione, princesse spartiate, fille de Ménélas et d'Hélène. De cette union, aucun enfant n'est issu. Remplie de jalousie et d'orgueil humilié. Hermione prétend qu'Andromaque l'a envoutée et rendue stérile en l'absence de Néoptolème (qui s'est rendu à Delphes pour se faire pardonner d'avoir osé demander à Apollon pourquoi il avait tué son père), elle décide de tuer Andromaque et son fils. Mais Andromaque trouve une cachette pour son enfant et échappe à la mort, en se réfugiant dans le temple de Thétis, la nymphe que les Thessaliens vénéraient, à cause de ses noces avec Pélée et de la naissance d'Achille.
Tout, cela est évoqué, dans le prologue, par Andromaque elle-même. Elle déplore la destinée qui, après l'avoir privée de tout et livrée au fils de l'ennemi et du meurtrier d'Hector, lui impute comme une faute même son malheur. Elle n'a pas de sentiments pour Néoptolème ; dans son cœur elle appartient encore et seulement à Hector. Mais elle sait que si Néoptolème était présent, il éloignerait d'elle et de son enfant la mort qui les menace. En son absence, elle songe à demander secours au vieux Pélée et envoie en secret une de ses esclaves d'autrefois, maintenant sa camarade de captivité, pour apprendre au vieillard la menace qui plane sur le fils de Néoptolème. Le chœur entre, il est composé de femmes de Phthie, qui, tout en exprimant leur pitié pour Andromaque, lui conseillent de se soumettre à la volonté de ses maîtres.

Hermione en personne arrive devant le temple de Thétis. Le poète la peint, absolument dépourvue de tout sentiment, animée seulement par un orgueil exaspéré et par le désir d'humilier et de tourmenter la femme qui se dresse devant elle, protégée par la sainteté inviolable du temple. Hermione, en proie à une crise de haine aveugle, essaie de trouver des prétextes de justice, en accusant Andromaque d'immoralité barbare. Andromaque se défend tout d'abord avec calme et fermeté, puis réplique avec vivacité et passion. Le poète n'est pas parvenu à garder à ce personnage douloureux toute sa noblesse tragique. Par son amour du réalisme psychologique. il la ravale, en lui faisant exprimer de menus reproches et de banales sentences sur la bonne conduite d'une épouse. Une dispute s'ensuit Hermione s'éloigne après avoir prononcé d'obscures menaces. Elle a trouvé le moyen de pousser Andromaque à sortir du temple le père d'Hermione. Ménélas, en cédant aux supplications de sa fille, a retrouvé Molosse le voici, trainant l'enfant. Il affirme qu'il le tuera si Andromaque se refuse à sortir du temple. En vain la pauvre femme essaie de le convaincre que ce crime ne serai utile ni à lui ni à sa fille, parce que Néoptolème répudiera sans aucun doute son épouse et jamais plus Hermione ne pourra trouver un autre mari. Le cruel et lâche Ménélas insiste. Pour sauver la vie de son enfant, Andromaque sort en pleurant du temple : la voici abîmée de douleur et consentante au sacrifice, comme auréolée d'une grande noblesse tragique. Tout de suite Ménélas déclare que le chantage exercé en la personne de son fils n'a été qu'un moyen trompeur pour la faire céder. Elle sera tuée et Hermione fera ce qu'elle voudra de l'enfant. Andromaque maudit les Spartiates capables de parjures et condamne les  doubles amours des hommes.

La scène suivante, à ce qu'il semble, se déroule devant le palais de Néoptolème, Andromaque enchaînée arrive avec son enfant, suivie par Ménélas. Elle chante un chant funèbre.
Que faire ? Elle impose à son fils de supplier le bourreau :
0 mon ami s'écrie Molosse, épargne-moi la mort ! Ménélas demeure insensible comme un rocher dans la mer.  Alors le premier coup de théâtre a lieu : le vieux Pélée apparaît il parle en maître et en juge. Il demande à Ménélas des explications. Ce dernier ne parvient pas à se justifier et doit, en dernier ressort, céder devant l'énergie du vieillard qui ordonne qu'Andromaque et son enfant soient délivrés de leurs chaînes. Ménélas s'éloigne en menaçant de revenir en armes. Euripide a manifestement voulu représenter en Ménélas un des personnages les plus méprisables, cruel sans aucune raison, lâche en face d'un vieillard qui lui résiste.

Cependant Hermione, abandonnée par son père, et craignant la colère de Néoptolème, est en proie au désespoir, et veut se tuer. Un nouveau coup de théâtre vient lui sauver la vie : l'apparition d'Oreste, fils d'Agamemnon, et par conséquent cousin d'Hermione, auquel autrefois Ménélas avait promis la main de sa fille. Oreste, qui a toujours détesté Néoptolème, considère que le moment de sa revanche est venu. Il emmènera Hermione ; celle-ci consent à s'enfuir avec lui. Les derniers mots prononcés par Oreste sont lourds de menace à l'encontre de Néoptolème. Il laisse entendre que le fils d'Achille va mourir à Delphes. Oreste, en effet, en passant par cet endroit, a déjà suscité contre cet homme l'hostilité populaire.
Le chœur pleure maintenant les ruines de la guerre de Troie, engendrées par la faute d'une femme adultère. Lorsque Pélée arrive, le chœur lui raconte qu'Oreste vient de lancer à l'adresse de Néoptolème une menace de mort. Le vieillard ordonne à ses serviteurs de courir immédiatement à Delphes mais, hélas, il est trop tard ! Survient un des serviteurs de Néoptolème, qui évoque la fin du héros, tué après une résistance acharnée par les habitants de Delphes, parce qu'Oreste leur avait fait croire que Néoptolème était venu piller les trésors du temple. Une plainte funèbre est chantée par Pélée et le chœur, sur le cadavre du jeune héros. Mais, pour atténuer peut-être ce terrible malheur, voici que la déesse Thétis apparaît dans le ciel, ordonnant à Pélée de ramener à Delphes le corps de Néoptolème. Elle annonce qu'Andromaque deviendra l'épouse d'Hélénos et que l'enfant de Néoptolème, Molosse, sera le fondateur de la dynastie des rois de l'Épire. Pélée, de son côté, montera au ciel, où il vivra à côté de la déesse qui daigna être son épouse.

ANALYSE.

La tragédie est constituée par trois intrigues parfaitement distinctes : le drame d'Andromaque qui échappe à la mort, celui d'Hermione qui s'enfuit, et enfin celui de Néoptolème absent. Ces trois parties sont reliées entre elles d'une façon trop extérieure. Ce qui fait défaut ce n'est pas tant l'unité d'action que l'unité poétique cette dernière ne parvient jamais à être soutenue par l'intention (évidemment présente à l'esprit du poète) de représenter non seulement le sort d'Andromaque, mais aussi celui de toute la maison de Néoptolème. Tel est le défaut essentiel de ce drame qui a, dans son ensemble (ainsi que le pensèrent les Anciens) une valeur secondaire. Les personnages sont brossés avec ce réalisme psychologique à tendance pessimiste, qui remplaçait chez Euripide l'intérêt pour la signification religieuse et morale du mythe ; mais ses héros sont loin d'être tous campés avec la même noblesse artistique. Il semble que le thème pour lequel se passionne le plus le poète ait été le conflit entre la jalousie et l'orgueil, opposant Andromaque à Hermione, thème d'un réalisme assez terre à terre en le développant, Euripide lui-même en souligne sans cesse les rapports avec la réalité quotidienne et humaine, rapporta qui l'intéressent beaucoup plus que le mythe.
T. F. Les Belles Lettres. 1927.

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