PERICLES ⑴

Périclès (Περικλής), homme d'État athénien, naquit à Athènes vers 495 et y mourut en 429 avant notre ère. Il était le fils de Xanthippe, le vainqueur de Mycale, et d'une nièce de Clisthène. Par sa noblesse, Périclès était promis à un grand destin dans une Athènes que n'avait pas encore touchée la médiocrité démagogique. La famille des Alcméonides, à laquelle il appartenait par sa mère, avait eu l'habitude de s'opposer aux autres nobles de la cité. Aussi, quand il entra dans la vie politique, fit-il comme son grand-oncle Clisthène : il attacha le peuple à son hétairie. De 461, où il prit la tête du partie démocratique, jusqu'en septembre 429, où il mourut, il fut le guide d'Athènes, dont il modela la constitution.

ASCENSION.

Après la victoire de l'Eurymédon (468), qui avait écarté de l'Égée le danger perse, l'union des grandes familles aristocratiques dominait la cité. Leur influence, néanmoins, ne résista guère à l'humiliation que Sparte infligea à la cité quand, en 462, elle renvoya ignominieusement les contingents d'hoplites qu'Athènes avait envoyés à son secours dans la guerre de l'Isthme.

Périclès
Périclès

L'heure sonnait pour le  parti populaire. Ephialtès s'en était affirmé le chef en menant la lutte contre les membres du conseil de l'aréopage (grands personnages, anciens archontes), dont il n'avait cessé de dénoncer les abus et la corruption. En 462 même, profitant du départ pour Sparte de nombreux hoplites partisans de l'aristocratie, il avait fait voter une loi qui ôtait à l'aréopage tous les «pouvoirs surajoutés» qu'il avait accaparés depuis la seconde guerre médique en particulier  en s'arrogeant le droit d'interpréter les lois et d'en garantir l'application. Il ne lui laissa guère que l'administration sacrée, qu'il détenait depuis très longtemps: la justice des crimes de sang qui souillaient la cité, la surveillance des temples. Le conseil des Cinq Cents (boulê), l'assemblée du peuple (ecclésia), le tribunal populaire (héliée) héritèrent de sa puissance. Le peuple devint ainsi le maître des affaires publiques, la sagesse de ses décisions étant garantie par la terrible procédure en illégalité (graphê paranomôn) qui promettait la mort à qui proposerait un décret qui ne fût pas conforme à la législation existante.
Ephialtès, ostracisé en 461, mourut assassiné quelque temps plus tard. Ce fut à Périclès de terminer et de prolonger son oeuvre pendant les trente ans où il put agir (surtout après l'ostracisme en 443 du chef des oligarques, Thucydide, fils de Mélésias; il fut alors réélu stratège quinze ans de suite). Les magistratures, même l'archontat, réservé jusqu'en 457 aux seuls plus riches citoyens, s'ouvrirent à tous par la suppression des conditions de cens et l'extension de la procédure du tirage au sort, plus démocratique que l'élection. Par l'institution de l'indemnité de fonction (misthos), Périclès permit à nombre de citoyens de se dégager, pour remplir les charges publiques (siéger à la boulê ou au tribunal), de l'aliénation du travail (qui, aux yeux des Grecs, n'est guère compatible avec la vraie liberté). Il n'alla pourtant pas jusqu'à verser un misthos à qui venait à l'ecclésia (elle ne se réunissait qu'une fois par semaine en moyenne et y participer pouvait passer pour être du devoir citoyen de tous), évitant de transformer les Athéniens en une foule d'assistés qu'aurait nourris leur seul titre de citoyen : le risque en était d'autant plus grand qu'il correspondait aux désirs de la foule, qui vota en 451 - 450 une loi pour reconnaître le droit de cité, et les privilèges y afférant, aux seuls habitants dont les deux parents étaient Athéniens (il suffisait jusqu'alors d'être né de père citoyen). Il préféra leur proposer d'accomplir de grandes choses et fit en sorte qu'ils en profitent.

LES GRANDS TRAVAUX .

Il lança ainsi un programme de grands travaux qui permirent de répartir sur la grande masse des travailleurs une partie de la richesse de l'État. On acheva ainsi (451-448) les cales et arsenaux du Pirée, on y construisit la halle aux blés (Alphitopôlis), on grossit la flotte, qui passa de 200 à 300 trières, on édifia les Longs Murs pour joindre la ville au Pirée. AcropoleMais surtout, on utilisa d'énormes sommes à bâtir l'Acropole. Autour de Périclès se groupa une équipe d'admirables artistes, dont Phidias, son ami et confident. En 447-446 fut commencé le temple de la déesse poliade (Athéna), le Parthénon, dont Ictinos avait conçu le plan; Callicratès, assisté d'une commission dont Périclès lui-même faisait partie, en exécuta les travaux; en 438, Phidias livra après un travail de six ans la magnifique statue d'ivoire et d'or (chryséléphantine) qui fut placée dans la cella. En 437 furent entrepris les travaux des Propylées, vestibule qui devait donner à l'entrée de la colline sacrée son caractère monumental. On entreprit aussi la construction d'un théâtre en pierre pour le culte de Dionysos, d'un odéon. La ville basse elle-même se couvrit de temples, ainsi que les dèmes de l'Attique (Eleusis, Sounion, Rhamnonte).
Mais cela ne suffisait guère, la cité antique ne pouvait accroître ses richesses, et par conséquent donner au plus grand nombre une vie plus facile, qu'en cherchant à profiter du travail et des biens d'autrui : c'est de l'impérialisme dont seront victimes les alliés de la ligue de Délos que vient la démocratie.
Périclès affirmait volontiers qu'Athènes était «l'école de la Grèce», que la cité avait aussi un croit moral à conduire l'ensemble de l'Hellade vers l'unité qui avait permis les si beaux exploits des guerres médiques. Il fit diverses tentatives pour réaliser ce programme par des voies pacifiques. Un décret du peuple invita en 446 tous les Grecs à un congrès qui se serait tenu à Athènes quelques années plus tard (443); Périclès organisa une grande expédition internationale qui alla fonder Thourioi en Grèce d'Occident, mais que son succès même rendit assez indépendante pour l'opposer très vite à sa métropole. Plus tard encore, il semble que l'on voulut demander aux Hellènes d'envoyer aux déesses d'Eleusis les prémices des récoltes (tentative, par le biais du prosélytisme religieux, de faire de nouveau reconnaître l'hégémonie d'Athènes dans le monde grec). En fait, l'esprit d'autonomie ne laissait aucune chance de succès à ces tentatives : la mission d'Athènes ne pouvait s'accomplir que par la force.
Il fallait d'abord assurer ces prétentions par la défaite définitive des Perses, par l'abaissement de Sparte, que les oligarques avaient toujours ménagée, mais dont le prestige nuisait à la gloire d'Athènes. Mener une double guerre se révéla vite impossible : après le désastre de l'expédition d'Egypte (454), les démocrates durent accepter une trêve avec Sparte, rappeler Cimon, qui accepta de conduire une escadre en Méditerranée orientale contre les flottes perses. La paix de Callias en 449 - 448 chassa les Perses de l'Egée; en 446, une paix de trente ans fut signée avec Sparte.

Mais le conflit avait provoqué déjà des transformations : ainsi, le trésor de la ligue de Délos avait été, en 454, transporté à Athènes; ayant quitté la sauvegarde d'Apollon, il servira bientôt en partie à la construction du Parthénon, symbole de la grandeur d'Athènes seule. Des révoltes éclatèrent, d'autant plus nombreuses qu'Athènes démocratique intervenait de plus en plus dans la vie intérieure des cités alliées. Périclès fit vraiment de l'alliance (la ligue de Délos n'était jusqu'alors qu'une symmachie) un empire (arkhê), malgré l'opposition du parti aristocratique, qui ne put guère faire entendre sa voix que jusqu'en 443 (date de l'ostracisme de Thucydide, fils de Mélésias).
Le système des clérouquies (assignation par tirage au sort de lots de terre (klêros) à des soldats-citoyens), notamment fut développé, permettant aux  thêtes qui acceptaient de s'expatrier (sans perdre, du fait de leur installation en terre étrangère, leurs droits de citoyen) de devenir zeugites, puisqu'on leur donnait une propriété dont le revenu équivalait au cens de cette troisième classe; le corps social ainsi se démocratisait. Mais, désormais, trop d'Athéniens ne vivaient plus que par l'Empire; sa perte ne pouvait s'admettre et aurait ébranlé les fondements mêmes de la société démocratique.
Pourtant, trop de sujets étaient mécontents, et la puissance d'Athènes était fragile. Mais la grandeur de l'Athènes de Périclès tient peut-être justement à ce qu'elle risquait de disparaître pour le plaisir de connaître la gloire d'avoir dominé le monde.

page 2 page suivante

http://clio.chez.com/